Aujourd’hui, pionnier de l’histoire de la philosophie congolaise, notre rédaction ne pouvait passer sous silence cette rencontre d’une portée philosophique incontestable et d’un fondement idéologique prononcé parce que désormais dans la cour des Grands.
Cela peut paraitre sans enjeu pour les néophytes, les spécialistes en savent quelque chose. Certes le domaine est réservé aux initiés du savoir mais nos lecteurs pourront trouver de la moelle et se faire des repères. Si au niveau de la médecine, il y a des sociétés de pédiatrie, de gynécologie, ou d’ophtalmologie etc., il y va de soi pour d’autres disciplines qui concourent à l’éclosion de l’humanité de marquer le pas et de ne pas s’enfermer. L’occasion était tout indiquée que la SOPHIA congolaise s’extériorise et se déploie. Voilà le sens du mandat du Pr MAGUESSA EBOME.
L’univers de la recherche ne trouve sa sève nourricière que par l’existence des assises tous azimuts et scientifiques, des colloques et congrès animés ou alimentés, en général, par les Enseignants-Chercheurs. Le Département de Philosophie de l’Université Marien Ngouabi, conscient de l’exigence de productions scientifiques par lesquelles tout universitaire correspond et répond à l’appel de la pensée, vient corroborer cette évidence avec l’avènement de Perspectives Philosophiques. En ce sens, le deuxième congrès de la société congolaise de philosophie n’est ni une rencontre de plus, ni une trouvaille en plus dans l’univers des philosophes congolais. Dans le vaste champ des congrès en effet, il n’est pas besoin de faire remarquer que chacun d’eux, à partir de son orientation, « cultive » des aspects précis du divers, phénomène conçu comme ensemble de problèmes dont ladite rencontre a eu pour tâche essentielle de débattre. Se faire particulier proposer en constitue la spécificité. Aussi, le deuxième congrès de philosophie, en son lieu de surgissement comme un « autre », envisagé dans le monde en sa totalité, ne se justifie-t-il pas par le souci d’axer la recherche sur la philosophie pour aller vers la cité.
Ayant la responsabilité de conduire la Sophia vers des actions visant à impacter la vie de la société congolaise, Ghislain Thierry Maguessa Ebomé, président exécutif de la société congolaise de philosophie, a fixé l’opinion sur les grandes lignes de son mandat. Un discours solennel prononcé à l’occasion de la clôture du 2ème congrès extraordinaire de la Sophia.
Réunis les 23 et 24 juillet à Brazzaville, à l’occasion de leur deuxième congrès extraordinaire, les membres de la Société congolaise de philosophie (Sophia) l’ont dotée d’un bureau exécutif, d’un conseil scientifique et d’un comité d’honneur.
Placées sur le thème « La philosophie et la cité », les assises de Brazzaville ont connu plusieurs participants dont des philosophes venus d’autres pays tels que les Etats-Unis et la Côte d’Ivoire. Au terme des travaux, le Pr Ghislain Thierry Manguessa Ebomé a été porté à la tête du bureau exécutif pour un mandat de cinq ans. Le ministre de l’Enseignement technique et professionnel a reçu pour missions, entre autres, de conduire la Sophia vers la vie de la société congolaise. En effet, les participants ont plaidé pour que le philosophe congolais soit désormais au cœur de la cité et participe à la résolution des problèmes sociaux.
« Une nouvelle ère va s’ouvrir à la Société congolaise de philosophie. Elle sera marquée autant par le souvenir de la mémorable action menée pendant plus de trente ans par les pères fondateurs autour du président Camille Bongou, d’illustre mémoire, que par des nouveaux objets et nouvelles problématiques qui constitueront la substance de nos réflexions », a déclaré le nouveau président de la Sophia. Il a appelé les membres du bureau à se mettre résolument au travail pour servir la société congolaise et l’humanité par la philosophie.
Conscient du fait que le philosophe est désormais au cœur de la cité pour bâtir le nouveau citoyen, Ghislain Thierry Manguessa Ebomé a rassuré l’assistance qu’il s’appuiera sur l’ensemble du bureau et sur l’ingéniosité de chaque philosophe pour mener à bien cette exaltante et noble mission.
Epousant la pensée philosophique de Socrate de construire le citoyen de notre temps, il a annoncé la vision de la Sophia d’ouvrir le grand chantier d’une anthologie et d’une anthologie philosophique congolaise de la dignité humaine à partir du concept « Ki mutu » en kituba ou « Bo moto » en lingala. Il s’agira d’une configuration congolaise de la philosophie. « La dignité me paraît comme la sève nourricière de l’action du philosophe dans la cité. Elle est la réponse à la violence, à la cybercriminalité, à la montée de l’intégrisme et des extrémismes, au rejet de l’autre, entre autres problématiques qui s’imposent avec fracas à la conscience universelle d’aujourd’hui », a conclu le président de la Sophia.
Recommandant la création de la faculté de philosophie à l’Université Marien-Ngouabi, les participants au deuxième congrès extraordinaire de la Sophia ont promis de rendre, dans les jours à venir, un hommage académique au Pr Théophile Obenga. Avant la concrétisation de cette ambition, ils ont honoré les professeurs émérites Souleymane Bachir Diagne de l’université de Colombia, à New York ; Abel Kouvouama et Yacouba Konaté de Côte d’Ivoire. Ce dernier s’est félicité de l’initiative du président de la Sophia de mettre en chantier une étude ouverte sur la question de la dignité à partir des conceptions intrinsèques au monde bantu.
Le Pr Emmanuel Banywesize Mukambilwa de l’université de Lubumbashi, en République démocratique du Congo, a salué lui aussi la réorganisation de la Sophia. « Pour tous les philosophes d’Afrique, il était question de réorganiser les activités de la Société congolaise de philosophie pour qu’elle puisse non seulement jouer son rôle de former des philosophes au Congo, mais également de pouvoir participer aux débats de société à partir du Congo Brazzaville », s’est-il félicité.
Pour le philosophe congolais Akanis Maxime Akanokabia, la philosophie doit se déployer maintenant sur le terrain. « La philosophie doit sortir de cette confiscation académique, elle ne doit plus rester essentiellement dans les amphithéâtres », a-t-il estimé.
L’Ecole normale supérieure de Paris a remis, en marge de ce deuxième congrès extraordinaire, 30 000 ouvrages à la bibliothèque de la Faculté des lettres, arts et sciences humaines de l’Université Marien-Ngouabi.
Notons que Ghislain Thierry Maguessa Ebomé est un homme politique congolais né le 30 avril 1975 à Ouesso. Il est Ministre de l’Enseignement technique et professionnel au sein du gouvernement Makosso depuis mai 2021, ainsi que député de la circonscription de Sembé depuis août 2022. Un autre agenda vient de s’ouvrir à lui et tout l’intérêt de conduire le bureau exécutif et d’amener la philosophie à la cité congolaise.
Abibe Ayoka